11H11 – le voyage initiatique et identitaire de T-Gang

Sorti le 11 novembre 2025, date symbolique qui fait référence à l’heure “11H11” ; heure porteuse de renouveau, l’album de T-Gang le Technicien est la confirmation qu’il est l’une des voix les plus singulières, les plus enracinées et les plus spirituelles de la scène urbaine béninoise.

Pensé comme un chemin initiatique, T-Gang  à travers l’album de 19 morceaux, alterne introspection, fierté identitaire, récits sociaux, spiritualité et proverbes fon, pour former un ensemble dense mais cohérent. Le projet qui commence comme un carnet intime et se termine comme un cri ancestral, réussit un pari rare : faire dialoguer le rap, la tradition, la spiritualité et les réalités contemporaines.

L’album s’ouvre sur un intro qui pose d’emblée le ton : authentique, brut et spirituel. T-Gang y retrace son parcours, ses luttes, ses épreuves, et plante cette phrase-mantra : « À brebis tondue, Dieu mesure le vent. » Telle la confession de la vulnérabilité d’un survivant qui rappelle que la providence adapte les épreuves aux forces de chacun. Et là, tout est dit : la vie ne donne pas plus que ce que l’homme peut supporter. Un préambule qui installe un artiste lucide, déterminé, qui a survécu aux tempêtes et qui les a transcendés par l’art.

« 11H11 » comme le cri du survivant

Porté par une écriture autobiographique et une philosophie héritée de la sagesse africaine, T-Gang révèle une nouvelle dimension de son art avec 11H11. L’un des grands mérites de cet album est son ancrage territorial. Comme un guide passionné, T-Gang invite à la découverte du Bénin.

Dans le titre « Wa Bénin », il dépeint les collines de Savalou et de Dassa, les merveilles de Natitingou, les traditions d’Ouidah et d’Abomey ou encore le Sodabi des peuples Adja. Il transforme la musique en outil de valorisation d’un patrimoine, mêlant fierté nationale et promotion touristique.

Mais 11H11 ne se contente pas de célébrer. Il observe, dénonce et raconte les fragilités humaines. Il s’ancre dans le quotidien, avec des récits simples, parfois amusés, parfois amers. Dans « Venan », T-Gang parle de la jalousie fraternelle, nourrie de rumeurs et d’incompréhensions. Il y rappelle un fait social trop répandu, à savoir que la rumeur détruit plus vite que la vérité ne construit. Avec « Faux programme », il évoque les désillusions amoureuses, entre rendez-vous manqué et manipulations affectives. Un morceau léger, piquant mais très générationnel.

« A nous aller » esquisse avec réalisme les charges quotidiennes liées au loyer, à la scolarité, aux factures, mais fait un point d’honneur à la nécessité de vivre pleinement malgré les difficultés. Il y dépeint la charge mentale quotidienne mais délivre un message fort : malgré tout, il faut vivre et s’offrir des moments à soi.

Entre plaisirs mondains, célébration de la camaraderie et de la loyauté masculine, T-Gang humanise l’homme africain, tiraillé entre responsabilités et envies de respirer à travers les titres « Se vivi » et « Gbèto ».

Sagesse et identité, l’ADN profond de T-Gang

Dans ce projet, le rappeur démontre non seulement sa capacité à traduire en musique les préoccupations intimes et sociales du Béninois lambda, mais assume aussi sa mission de passeur culturel qui amène la langue fon et les références locales au cœur des cultures urbaines.

Des titres comme « Sérieux », « Layé Layé » ou « Assogba » en feat. avec Kalamoulaï & Vi Phint, mettent en avant la foi, la droiture, la discipline et la fragilité de la vie humaine. Sur un ton cru mais pudique, presque philosophique, T-Gang excelle entre religion, ancestralité et conscience humaine. Il remercie Dieu, se protège du mal et renvoie chacun à sa propre conscience. Et cette collaboration forte, portée par la maturité avec Ariel Sheney dans le titre « Voyage » où les artistes expliquent que la vie est un voyage dangereux, mais que le don divin doit être honoré. Un des meilleurs morceaux du projet.

L’on ne saurait passer sous silence le morceau « Gnonou », en featuring avec Don Métok, qui se distingue comme un hommage vibrant aux femmes, saluées pour leur résilience et leur rôle moteur dans la société. Une ode puissante aux femmes combattantes, aux Amazones du quotidien. Le morceau porte une authenticité remarquable et pourrait même devenir l’un des piliers émotionnels de l’album. Comme le titre « Ovi », une lettre ouverte à son enfant.
Conseils, bénédictions, prières : l’un des titres les plus tendres et humains du projet, preuve d’une maturité artistique et personnelle.

En clôture, la track bonus « Hélou » agit comme un exutoire. T-Gang y exprime sa lassitude, ses blessures, son rapport complexe aux hommes et au succès. Il y affirme sa foi en Dieu et en ses ancêtres, pour conclure l’album sur une note organique, presque mystique. Une fin puissante, spirituelle, presque rituelle.

Au final, 11H11 s’impose comme l’un des projets urbains les plus aboutis du moment. Par sa plume, sa voix, sa maîtrise du fon et son identité sonore tradi-moderne, T-Gang confirme sa place à part entière dans le paysage musical béninois. D’autant que l’album réussit à concilier divertissement, conscience sociale et héritage culturel, avec des titres accessibles et profondément humains.

Et sa marque de fabrique, le fameux « É ma nyɔ nu mɛɖe ă, ni dozo xu ɔ », revient comme un sceau identitaire et authentique.

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici