Le gouvernement était au parlement ce lundi pour présenter le rapport d’audit du chantier du nouveau siège de l’Assemblée Nationale, laissé en décrépitude depuis plusieurs mois. Un éléphant blanc qui a coûté plusieurs milliards de FCFA au contribuable béninois. Voici ce qu’en dit le rapport présenté par le ministre du cadre de la vie, José Tonato.
AUDIT SIEGE ASSEMBLÉE NATIONALE
– le chantier a fondamentalement souffert de l’immixtion intempestive du Gouvernement – Maître d’Ouvrage, plus que de besoin, dans la gestion au quotidien, dans les prises de décisions majeures, pour palier à la défaillance du MOD, mais qui ont négativement impacté la réalisation des travaux, selon les règles de l’art.
– Dès le début du processus, l’ex-MUHA a mis en place une commission de dépouillement des offres des entreprises, se substituant au MOD, en violation des clauses contractuelles contenues dans la convention.
– Toutes les suspensions des travaux ont été décrétées par le Maître d’Ouvrage et contribué à démobiliser tous les acteurs du projet.
La SERHAU-SA, maître d’ouvrage délégué à charge de la réalisation du projet, n’a pas correctement assuré sa fonction d’ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) du projet ; elle a fait montre de carences graves ayant occasionné la non maîtrise du coût et du délai d’achèvement de ce projet relativement complexe et ce, malgré la mise en exécution des conclusions du rapport du Bureau VERITAS Bénin, notamment en ce qui concerne l’ajout d’un assistant OPC.
– La plupart des marchés passés par le MOD n’ont pas été entérinés par la Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics (DNCMP), conformément aux dispositions du Code des Marchés Publics, la SERHAU s’est contenté d’avis de non objection (ANO) du Maître d’Ouvrage.
– Le chantier a été lancé en l’ absence de toute procédure de dépôt de Permis de Construire (PC) ; cette négligence grave a entrainé le non-respect de la réglementation en matière de Sécurité Incendie. En situation normale, les attendus du Permis de Construire devaient être délivrés par le Groupement des Sapeurs-Pompiers.
A la suite du déplacement du projet du site originel sur terre ferme sur un site plus délicat au bord de la lagune de Porto-Novo, le bureau d’étude technique AUXI BTP, en charge des études techniques d’ingénierie Génie Civil, a renoncé au reste de sa mission après les premiers appels d’offres ; ce qui a engendré d’énormes difficultés de maîtrise de ce volet par la suite.
– Le chantier s’est poursuivi, en l’absence d’études techniques sérieuses, notamment les études d’avant-projet détaillé (APD) et les plans d’exécution, autant de pièces incontournables qui doivent être dûment contrôlés et validés par les corps habilités pour garantir dans la bonne mise en œuvre d’un projet de cette envergure et de cette complexité.
– Les multiples désordres de construction ont été répertoriés dans la partie « Audit Technique » du rapport ; ces malfaçons remettent fondamentalement en cause la stabilité du bâtiment administratif (R+4) et de l’hémicycle et qui doivent être traités avec un contrôle rigoureux et exhaustif avant toute poursuite des travaux.
– La qualité de plusieurs ouvrages du lot & (gros-œuvre) reste préoccupante : des ouvrages ont été exécutés avant l’approbation des plans d’exécution ;
– la passerelle reliant le bloc infirmerie à l’hémicycle s’est effondrée le 11 décembre 2011 – aucun rapport d’expertise justifiant les causes réelles de cet effondrement .
Dysfonctionnements au plan financier et juridique
La troisième convention pour les travaux était d’un montant de 16.000.000.000 F CFA TTC, pour un délai d’exécution de deux ans. Les deux premières étaient consacrées aux études architecturales et techniques, ainsi qu’au dédommagement des présumés propriétaires du nouveau site.
– Le coût global du premier appel d’offres des travaux avoisinait déjà 17.100.176.369 F CFA TTC, à la fin de la passation des dix premiers marchés en 2008-2009, contre un montant prévisionnel global était de 18.565.050.000 F CFA.
– Le point des coûts complémentaires, dus aux différentes réévaluations, s’élève à un total de 8.776.698.911 FCFA TTC de surcoûts au projet dû à la suspension, au retard dans sa réalisation et à une saisie de fonds, non compris les coûts liés aux procédures judiciaires pendantes : (i) contentieux : 2.598.143.338 FCFA TTC ; (ii) actualisation de 15,8% dus à l’arrêt des travaux (bureau VERITAS Bénin) : 4.400.544.450 FCFA TTC ; (iii) dégradations diverses : 1.354.017.339 FCFA TTC ; (iv) remise aux normes de Sécurité Incendie (QCS Services) : 350.000.000 FCFA TTC.
– Le contentieux de 2.598.143.338 FCFA comprend des avances de démarrages qui ont payés à des entreprises attributaires de lots relatifs à des corps d’état devant intervenir après la réception des travaux du gros-œuvre ; lesdits marches ont été résiliés par le maître d’ouvrage, mais les avances n’ont pas été remboursées.
– Il s’agit de 414.657.524 FCFA perçue par le groupement EMCR sur le lot 7 des revêtements étanchéité et peinture, 368.938.543 FCFA perçue par l’entreprise Princesse d’Or sur le lot 3 menuiserie-aluminium, 388.162.870 FCFA comme reliquat de remboursement d’avance de démarrage sur le lot 9 charpente couverture faux plafonds resté par devers l’entreprise Princesse d’Or, et enfin 1.426.384.401 FCFA saisis par la justice par suite d’une plainte du groupement EMCR.
Après la résiliation du marché des travaux relatifs à la charpente métallique couverture et faux plafond de l’entreprise Princesse d’Or, la poursuite de ces travaux a été confiée au Génie Militaire qui a porté le taux d’exécution à 35% contre 30% initial sur une avance spéciale de 500.000.000 F CFA TTC en attendant la signature de son contrat. Certains lots restent encore non attribués notamment le local groupe froid, la sculpture, l’équipement en mobiliers de l’hémicycle. La majorité des contrats des acteurs de la chaîne de gestion du projet sont arrivés à échéance et nécessite une action du maître d’ouvrage.
– La SERHAU-SA a encaissé un trop perçu de 150.254.601 F CFA TTC au titre de ses honoraires de MOD. En effet, sur la base des montants engagés conformément aux décomptes des travaux, des avances de démarrage en contentieux et des honoraires du corps de contrôle, SERHAU a perçu 923.623.126 F CFA TTC, au lieu de 773.368.527 F CFA TTC qui lui sont dus ; elle justifie cet écart par le recrutement de l’assistant OPC qui lui a été imposé par l’audit du bureau VERITAS Bénin.
– Si on se place dans l’optique de terminer les travaux actuellement en cours, le coût d’objectif global du projet s’élèverait à 45.172.694.557 FCFA TTC y compris les coûts supplémentaires indiqués ci-dessus. La récupération du montant de 2.598.143.338 FCFA TTC en contentieux, pourrait ramener le coût d’objectif global final à 42.574.551.214 FCFA TTC.
– Neuf ans après le démarrage, y compris 43 mois de suspension des travaux, l’évaluation financière globale du projet se présente comme suit : (i) le montant total versé à la SERHAU-SA est de 22.664.019.976 FCFA TTC ; (ii) le montant total engagé par la SERHAU-SA y compris les honoraires (corps de contrôle, MOD) est de 20.010.647.814 FCFA TTC ; (iii) un écart important entre le taux d’exécution physique (TEP) de 45,71 % et le taux d’exécution financière (TEF) de 56,19 %, qui s’expliquerait par les avances de démarrage perçues ; (iv) le TEP du gros-œuvre au 30 septembre 2016 est de 90%, contre 99% de TEF.
Il resterait donc à mobiliser pour l’achèvement des travaux 22.501.709.588 FCFA TTC, sans aucune garantie sur la stabilité et la sécurité de l’ouvrage, ni sur la durée de vie possible de l’édifice, dans un contexte où il est juridiquement impossible d’obtenir une assurance en vue d’une garantie décennale pour des travaux d’aussi mauvaise facture.