COTONOU, Bénin, le 6 mai 2019— Il est midi à l’école primaire publique de Babazaoré, le moment le plus attendu de la journée pour la centaine d’écoliers de cette bourgade de la commune de Copargo, au nord-ouest du Bénin. Celui du repas chaud que leur offre chaque jour la cantine.
Au menu aujourd’hui : du riz accompagné d’une friture de poisson particulièrement prisée par les élèves. « Ici, les enfants mangent tous les jours et cela permet de les garder à l’école. Notre planning hebdomadaire des menus essaie de tenir compte des goûts des enfants. Beaucoup d’entre eux viennent à l’école parce qu’ils savent qu’ils y auront à manger », explique Armand Bignon Hessou, le maître-cantine.
Des kilomètres pour rentrer déjeuner
Fousseni Séibou savoure avidement son plat de riz. À huit ans, cet élève de cours d’initiation (CI) parcourt à pied, deux fois par jour, les onze kilomètres de piste qui relient son village de Kompari à celui de Babazaoré. « Si la cantine n’existait pas, ce ne serait pas évident pour Fousseni et ses frères d’aller à l’école », explique Basile Ossoté, le directeur de l’école. « Lorsqu’on n’avait pas de cantine, beaucoup d’enfants ne revenaient plus à l’école après avoir parcouru d’énormes distances pour rentrer déjeuner chez eux. Ceux qui restaient à l’école faisaient un feu sous l’arbre pour griller de l’igname ou se contentaient de délayer du gari (semoule de manioc) dans une bouteille d’eau ».
Aujourd’hui, son établissement accueille de plus en plus d’enfants des villages de Kompari, de Kikira, à quelque cinq kilomètres de là ou encore de Goumougou, situé à sept kilomètres. Ils font d’ailleurs partie des meilleurs élèves. Grâce à la cantine, l’école a aussi augmenté le nombre de ses effectifs qui est passé de 84 à 145 élèves et affiche un taux d’abandon en net recul depuis trois ans.
« La commune de Copargo est caractérisée par un habitat dispersé. Cette cantine permet de rendre l’école davantage inclusive pour les enfants des villages les plus éloignés. C’est pour cela qu’il faut consacrer davantage de ressources à l’alimentation scolaire et à sa généralisation dans tous les établissements du pays », insiste Djakpèdo Biao, président des associations de parents d’élèves (APE) de Copargo.
Des bénéfices multiples
Les cantines scolaires ont commencé à voir le jour en 2014. Aujourd’hui, 396 écoles primaires publiques en possèdent une. Elles nourrissent quotidiennement plus de 89 105 enfants dans 25 communes du pays. « Quand une cantine ouvre dans un établissement, les taux de scolarisation et d’assiduité s’améliorent instantanément », constate Claude Thierry Gbèdégbey Adjovi, chef de la région pédagogique de Copargo-Ouaké.
Parce qu’une bonne nutrition joue un rôle fondamental dans le développement d’un enfant, ses résultats scolaires et sa productivité à l’âge adulte, la Banque mondiale a lancé fin 2018, son tout premier indice du capital humain. Aussi important que les indicateurs économiques, ce nouvel outil mesure la contribution de la santé et de l’éducation à la productivité de la prochaine génération d’un pays.
Ainsi, en offrant un repas équilibré et consistant aux élèves, la cantine permet également de lutter contre les problèmes de malnutrition qui concernent des familles extrêmement pauvres et d’améliorer l’indice de développement humain du Bénin qui se classe actuellement 127e sur 157 pays. « Dans certaines communes, nous avons un seuil de pauvreté et de malnutrition qui ont déjà franchi la ligne rouge. À peine deux ménages sur dix parviennent à prendre un repas par jour. Le repas servi par la cantine apporte un minimum d’équilibre nutritionnel aux élèves et contribue à les maintenir en bonne santé, avec l’attention et la vitalité nécessaires pour suivre les cours », explique Kassoumou Arouna, chef du service de l’alimentation scolaire à la direction départementale de l’enseignement maternel et primaire des départements de l’Atacora et de la Donga. « Nous avons constaté qu’il y a très peu de mortalité infantile liée à la malnutrition dans les écoles où les cantines FCB-PME sont implantées. »
En confiant la préparation des repas à des fournisseurs locaux, le programme contribue aussi à stimuler l’économie de la collectivité. « Tout ce que les enfants mangent, provient des exploitations locales », précise Basile Ossoté. « Cela revient moins cher et nous sommes sûrs de la qualité. Même le riz que les élèves mangent vient des champs de Babazaoré. » Dans certaines écoles, les parents d’élèves ont même aménagé des potagers pour offrir certains produits à la cantine.
De nouveaux financements
Cofinancé par le gouvernement béninois et plusieurs de ses partenaires internationaux, y compris le Partenariat mondial pour l’éducation à travers son Programme de fonds commun budgétaire (FCB) administré par la Banque mondiale, le projet de cantines scolaires a fait l’objet d’une évaluation d’impact en juillet 2018. L’étude a constaté des effets positifs auprès de plus de 88 % des garçons bénéficiaires et de 90 % des filles. Avec l’objectif général d’améliorer le niveau et la qualité de l’éducation au Bénin, ce programme développe également d’autres initiatives pour renforcer les capacités des enseignants des 25 communes les plus défavorisées du pays : construction de salles de classe, distribution de kits scolaires et mise en place d’un système d’information et de gestion de l’éducation.
Un succès qui a encouragé le gouvernement à continuer de financer les cantines scolaires après la clôture du programme FCB en avril 2018, en débloquant 5,9 millions de dollars (3,4 milliards de francs CFA) pour offrir des repas chauds aux élèves de 3179 écoles pendant l’année scolaire 2018-2019. Actuellement, quatre programmes de cantines scolaires sont en vigueur dans quelque 7360 écoles. « Un enfant bien nourri aura plus de chance de réussir à l’école et d’être en bonne santé et productif à l’âge adulte », explique Katrina Sharkey, représentante résidente de la Banque mondiale au Bénin. « En s’assurant que ses enfants sont nourris correctement, le Bénin investit donc dans son avenir économique et social, car une économie performante et compétitive dépend étroitement de son capital humain. »
SOURCE : BANQUE MONDIALE