Complexités et implications de la médiation de la CEDEAO au Niger : Vers une remise en question de la crédibilité de l’Organisation sous-régionales ?

La récente tentative de médiation de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Niger offre un aperçu fascinant des dynamiques politiques et des défis de la diplomatie régionale en Afrique de l’Ouest.

L’échec de la mission de l’instance sous-régionale à atterrir à Niamey, la capitale du Niger, soulève des questions cruciales. Cet incident n’est-il pas une occasion d’interroger l’avenir et le rôle des organisations sous-régionales dans le contexte actuel?

Le revers diplomatique de la CEDEAO remet en cause sa capacité opérationnelle. Peut-on y voir un symptôme de la faiblesse de l’organisation et de son incapacité à mobiliser efficacement ses dirigeants, ou est-ce simplement un argument supplémentaire dans un débat plus large ? Cette situation, qui semble mettre en lumière les lacunes de l’organisation, pourrait-elle compromettre sa fonction première, qui devrait être le service des peuples de la région plutôt que les intérêts de ses dirigeants ?

Ces questions sont d’autant plus pertinentes que la mission visait à négocier la levée des sanctions contre le Niger et aborder l’épineuse question de la transition politique. Hormis l’émissaire de Faure Gnassingbé, le Prof Robert DUSSEY, Ministre togolais des affaires étrangères et de la coopération, l’absence de plusieurs autres membres clés de la délégation a retardé encore une fois la tenue des discussions cruciales, telles que la libération de l’ex-Président Mohamed Bazoum et de son épouse, ainsi que la durée de la transition politique au Niger.

Dans ce contexte, quel pourrait être l’avenir de cette médiation qui semble déjà compromise et dont la crédibilité des acteurs est remise en question ? La capacité de la CEDEAO à faciliter efficacement des négociations dans un contexte où les intérêts nationaux et les enjeux de souveraineté sont fortement défendus, devient un sujet de préoccupation majeure. 

Cette situation au Niger remet fondamentalement en question les principes de la négociation en relations internationales. L’exemple historique du Traité de Versailles de 1919 censé mettre fin à la Première Guerre mondiale et établir une paix durable en est une illustration parfaite des conséquences d’une médiation biaisée.

Dans le cas du Niger, la défaillance des bases de la négociation pourrait potentiellement conduire à un rejet de cette équipe lors des prochaines échéances de négociation exacerbant les tensions existantes.

Les échecs initiaux, qu’ils soient dus à des problèmes logistiques, de communication ou de compréhension mutuelle, peuvent avoir des répercussions à long terme, entravant les efforts de paix et de stabilité dans toute la sous-région. Et cela à juste titre nous interpelle tous ainsi que les acteurs actuels qui sont tenus de mettre de côté leur fierté pour chercher à établir des bases plus solides de la négociation, en vue de favoriser des solutions équitables et bénéfiques pour le peuple du Niger.

Aussi, ce développement récent dans le dialogue entre la CEDEAO et le CNSP (Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie) soulève des préoccupations quant à la capacité de la communauté internationale à faciliter efficacement des négociations dans un contexte post-coup d’État complexe. Les événements à Niamey doivent être scrutés non seulement dans le contexte immédiat du Niger mais aussi dans le cadre plus large des dynamiques politiques et de sécurité en Afrique de l’Ouest.

Retour indispensable aux fondements de la CEDEAO des pères fondateurs

La crise actuelle au Niger et les défis rencontrés par la CEDEAO dans ses efforts de médiation nous ramènent aux fondements mêmes de cette organisation. La vocation première de la CEDEAO, émanant de la volonté de ses fondateurs, est de servir les peuples de la région, en promouvant la paix, la stabilité et le développement. Cet idéal semble aujourd’hui être ébranlé par les différents événements qui l’agitent depuis 2020, interrogeant la compétence de l’organisation à s’adapter et à répondre efficacement aux crises régionales.

Doit-on comme interrogé dans une précédente tribune, craindre une disparition de la CEDEAO ? Plutôt qu’une fin certaine, la situation actuelle pourrait être envisagée comme un appel à un renouveau stratégique. Dans une Afrique où de nouvelles coalitions stratégiques se forment et où les dynamiques géopolitiques évoluent rapidement, la CEDEAO doit réaffirmer son rôle et réajuster ses méthodes d’intervention.

Pour un tel renouveau, plusieurs pistes pourraient, à mon humble avis, être explorées. Tout d’abord, un engagement plus profond envers la diplomatie préventive et la médiation pourrait s’avérer crucial. Cela implique de développer une meilleure compréhension des contextes politiques et sociaux spécifiques à chaque pays membre. Ensuite, renforcer la coopération et la coordination entre les États membres pour une réponse collective et solidaire face aux crises est essentiel. Cette coopération pourrait également s’étendre à des partenariats avec d’autres organisations régionales et internationales, partageant des objectifs similaires.

En outre, la CEDEAO doit s’efforcer de rester fidèle à ses principes fondateurs en mettant l’accent sur le bien-être et les aspirations des peuples de l’espace ouest africain. Cela nécessite une approche plus inclusive, où la voix des citoyens et des sociétés civiles est non seulement entendue mais aussi intégrée dans le processus de prise de décision.

Enfin, face à l’émergence de nouvelles alliances stratégiques, la CEDEAO doit également envisager de réviser ses stratégies de sécurité régionale, en s’adaptant aux menaces contemporaines telles que le terrorisme, les conflits internes et les crises humanitaires.

Le renouveau de la CEDEAO n’est pas seulement souhaitable, mais impératif. En restant fidèle à ses valeurs fondamentales tout en s’adaptant aux réalités changeantes, l’organisation peut continuer à jouer un rôle crucial dans la promotion de la stabilité et du développement en Afrique de l’Ouest.

Guy-victoire Kanikatoma SANBENA 

Bamako, le 26 Janvier 2024

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