
Le chef de l’État, Patrice Talon, lors de son intervention sur la chaine française LCI n’a pas manqué d’aborder les relations entre la France et l’Afrique.
Les relations qu’entretiennent la France et l’Afrique doivent évoluer et se faire de manière égale sans aucune once de paternalisme pense Patrice Talon. Il l’a réitéré au cours de son interview.
Est-ce que l’affaire libyenne pèse encore sur les esprits. Le fait que la chute de Kadhafi à laquelle la France n’est pas étrangère, est-ce que c’est encore présent dans les élites africaines et pas seulement ?
Les faits d’assurance sécuritaire aujourd’hui en Afrique empêchent qu’on nettoie le passé. L’Afrique est confrontée à un problème sécuritaire grave. Les armes circulent et on sait très bien que l’explosion de la Libye a été un facteur déterminant. La Libye a explosé à la suite de la chute de Kadhafi. Donc dans le quotidien des africains aujourd’hui, où on voit des armes de guerre circuler librement et aisément au détriment de la paix et de la sécurité des uns et des autres, comment on peut faire abstraction de ce que l’un des facteurs déterminants de cette situation a été l’explosion de la Libye et donc la chute de Kadhafi.
Il y a presque une idée de faute originelle dans leur poilue, la chute de Kadhafi a amené tant de problèmes et c’est la responsabilité des occidentaux ?
Vous savez, la fin justifie les moyens. Ce qui se passe aujourd’hui est peut-être mis en balance avec ce que Kadhafi était à savoir si la chute d’un monsieur malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, ce qui a donc entrainé l’explosion de la Libye est-ce que, aujourd’hui quand on voit ce qui se passe comme drame en Afrique, qu’est-ce qu’il fallait faire, qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire ? S’il fallait regarder dans une boule de cristal, s’il fallait jeter des oracles, on dirait oh la la, si la zone doit être aussi une sinécure, il n’aurait pas fallu toucher à Kadhafi.
En substance, beaucoup d’Africains pensent que mieux valait Kadhafi que la situation présente ?
Vous savez le monde va heureusement ou malheureusement avec les constances du jour ou détermination du jour. Si on devrait savoir l’avenir, combien de choses on ne ferait pas, et combien de choses on ferait ?
Et pourtant le poids de l’histoire, on est ici, Rue du Faubourg Saint Honoré, deux rues plus loin à droite, il y avait le bureau de Jacques Foccart. Vous y êtes déjà allé, c’était le centre de l’empire. Est-ce que ce passif colonial pèse encore ?
Je n’ai pas le privilège d’aller dans ce bureau. Vous savez les temps ont beaucoup changé, il faut l’avouer, il faut le reconnaître. Il subsiste encore beaucoup de fantasmes au titre des relations entre l’Afrique et la France. Et la tournée actuelle du président Macron et son discours avant sa tournée, tombe bien parce que ça clarifie un peu les choses. Nos populations ont encore beaucoup l’impression que la France a beaucoup d’intérêts en Afrique et qu’elle tente de les défendre coûte que coûte. Il faut avouer que la situation n’est plus exactement pareille qu’il y a quelques décennies. Les choses ont beaucoup changé. Il faut que nous ayons le temps, l’occasion, les autorités françaises ainsi que les dirigeants africains de l’expliquer pour tuer ces fantasmes-là qui polluent la relation entre les deux peuples et au sein de l’Afrique.
Et pourtant, on en voit des manifestations de cette sensibilité aujourd’hui, la scène entre le président Tshisekedi et le président Macron, qu’en substance, le président Tshisekedi rappelle que monsieur Le Drian a parlé d’un compromis à l’africaine et que selon lui, ça été choquant et le président Macron dit que ce n’est pas un mépris. Selon vous, qui a raison ?
C’est le président Tshisekedi qui a raison parce que les propos de Le Drian à l’époque étaient malvenus. C’était maladroit.
Lors de la tournée du président Macron, il y a eu ces scènes extrêmement frappantes qui nous viennent d’un stade dans une banlieue de Kinshasa. Qu’est-ce que ça représente dans l’évolution du rapport entre la France et l’Afrique ?
Ça montre bien qu’il y a une partie de la population africaine qui évolue qui n’est pas accrochée au passé. Ce qui est d’ailleurs un handicap pour le développement quand on passe son temps à ressasser le passé. Le président Macron est un président jeune qui dit les choses telles qu’il les sent. Donc, il a l’esprit assez ouvert. Il est jeune. C’est un avantage pour voir les choses différemment et cela beaucoup d’africains l’apprécient. Maintenant, il est nécessaire que la France affiche davantage son sentiment d’égalité avec les pays africains et que ce sentiment passé de paternalisme soit totalement effacé.
Il y a encore du paternalisme ?
Beaucoup de nos compatriotes perçoivent encore certains propos, certains faits comme du paternalisme. Il faut faire l’effort de les gommer.
Qui était le plus africain des présidents français ?
Dans quel sens ? Le plus paternaliste ou le plus progressiste pour l’Afrique ?
Qui comprenait l’Afrique?
Dans quel sens ?
Là vous jouez (rires). Il y a quelques images évidemment : de Gaulle, Mitterrand, Chirac et aujourd’hui le président Macron, mais aussi le président Sarkozy ? Moi, je dirai que la question devrait être : qui est le président Français qui a davantage œuvré pour une coopération-développement plus active, plus visible et plus concrète ? Mais, chacun a fait un peu sa part du job.