
Communément appelée la « Grande muette », l’armée a été, de tout temps, une taiseuse bien disciplinée.
Très souvent, il est difficile pour les professionnels des médias d’obtenir des hommes en uniforme, des informations sur des faits, gestes et comportements suspects des individus à même d’éduquer et d’encourager la population à la dénonciation. Une lutte efficace contre l’extrémisme violent dans les départements du Borgou et de la Donga, passe nécessairement par une coopération entre les deux institutions.
Qui a l’information a le pouvoir, dit l’adage. Pendant des décennies, l’armée béninoise est restée fermer à la presse. De nouvelles situations sociales dont l’extrémisme violent viennent, dès lors, fléchir la position de l’armée quant à son ouverture au public, notamment à la presse, en informations. Face à la montée de l’extrémisme violent et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à des fins autres que celles de culture et de recherche, les services compétents de l’armée se doivent d’associer les médias à la lutte. Des informations fiables sur le phénomène permettent aux journalistes, acteurs de la société civile de contribuer, par leurs productions, à la sensibilisation des couches cibles sur les dangers liés à l’extrémisme violent.
Points d’attention pour une lutte prospère
La première exigence du journaliste en tant que citoyen est d’être protégé, de protéger son environnement, de préserver son intégrité physique et d’aider les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) à sécuriser son entourage. Cette mission passe par la remontée vers la hiérarchie policière et militaire des informations pouvant aider à la dissuasion. Pour mener à bien cette mission, les médias exigent de pouvoir accéder à toutes les sources. Dans ce sillage, les médias veulent obtenir des informations à chaud. Avec l’essor des technologies de l’information et de la communication, toute personne possédant un smartphone peut s’improviser « informateur » et partager des nouvelles en ligne. Et ce partage se fait avec une rapidité qui surprend parfois, sinon souvent, les journalistes. Point n’est besoin de rappeler que l’absence d’informations officielles est le boulevard pour les rumeurs et autres faits assimilés.
Les informations diffusées par des internautes manquent souvent de fiabilité parce qu’elles ne sont pas produites en respectant la démarche journalistique digne d’une production de presse. Aller vers les sources, recouper et vérifier l’information, apprécier le degré de sensibilité de l’information et l’effet de sa diffusion sont bafoués par les internautes s’improvisant journalistes. Une collaboration forces de sécurité et de défense-professionnels des médias est bénéfique pour la communauté sur bien des aspects. Elle contribuera à prévenir l’extrémisme violent par l’information et la sensibilisation de la population, à déconstruire les informations mensongères de nature à perturber leur tranquillité. Le personnel des armées aussi a besoin de sécurité dans sa mission de défense même si les militaires s’engagent à défendre la patrie au prix de leur vie. Cette sorte de serment au sacrifice suprême ne saurait justifier l’économie d’informations à l’endroit des personnes qui ont mandat dans leur mission républicaine d’informer le peuple.
La bonne collaboration comme solution idéale
Il est nécessaire qu’autour de l’intérêt public, les médias et l’armée collaborent pour la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national. Dans cet ordre d’idées, Barnabas Orou Kouman, journaliste au groupe de presse Daabaaru pense qu’ « il faut qu’il ait un travail de collaboration entre nous professionnels des médias et les forces de sécurité et de défense afin que nous sachions à quel moment nous devons informer la population face à certaines situations, quels genres d’information nous devons donner et comment rendre une information par rapport à une attaque et autres. » Du même avis que son confrère, le journaliste Kamirou Nanda Ousmane va plus loin. Pour lui, il faut sensibiliser les FDS dans la protection qui est celle des citoyens qui dénoncent des actes de violences. Prenant conscience de cet enjeu, les médias traiteront les informations relatives à l’extrémisme violent avec une certaine circonspection, promet Kamirou Nanda Ousmane.
Toutefois, le recours aux sources doit être de rigueur notamment le contact avec le ou les officiers en charge de la communication ou le porte-parole de l’Etat-major pour obtenir les éléments d’informations nécessaires à mettre à la disposition du public, recommandent les journalistes. Ce faisant, poursuivent-ils, les médias doivent laisser le soin à l’armée de s’occuper de la communication opérationnelle. Dans l’absolu, la communication de l’armée doit se professionnaliser et se doter d’outils modernes en matière d’information et de communication dont les choix sont commandés pour des circonstances : communiqué de presse, déclaration de presse, conférence de presse, déjeuner de presse afin de rendre l’information diffusable, disponible à temps et en permanence.
Dans cette veine de recommandations, il apparaît nécessaire d’intégrer aux budgets des états-majors de l’armée, les budgets de communication. Dans un pays où il n’existe pas encore un pool de journalistes spécialisés sur les questions de défense et de sécurité digne du nom, les armées doivent contribuer à en créer et à former si nécessaire les postulants aux nouvelles questions délicates de sécurité telles que l’extrémisme violent. Cela ne fera que leur offrir un personnel de médias apte et disposé en principe à servir de relais à l’armée, et cela de façon professionnelle.
Par Ismaël BALOGOU & Blandine M. SANDE